Wild Wide Web
Depuis les débuts du World Wide Web, l'enfant-roi d'Internet, c'est un peu le Far West, le Wild Wide Web, un espace sans loi qui fait fi des frontières...
Pourtant, malgré l'absence d'un sheriff officiel, des garde-fous se sont mis en place au fil du temps et ont résisté à l'usure du temps, garantissant en tout temps un temps d'accès équivalent à toute page html quelle qu'elle soit.
Il est ainsi aussi rapide de charger une page qui parle de la vie des escargots que la page officielle d'Usain Bolt. Ce concept a pour nom: neutralité du Net.
Certes, le Web n'est pas si neutre que cela. Les gouvernements ont le pouvoir de filtrer l'information ou de bloquer certains sites. La neutralité du Net est donc un idéal plus qu'un concept, un idéal qui fait partie d'un combat plus large, celui de la liberté d'expression.
Alors comment en est-on arrivé à remettre en question cette neutralité du Net? Et pourquoi une décision américaine aurait-elle un effet plus-que-papillon sur la vitesse d'accès aux contenus en ligne depuis Cully, Pully, Vully ou Fully?
Neutre, ou pas...
La neutralité du Net est aussi vieille que le Net...voire plus, puisque le concept est le même que celui qui fait foi en matière de téléphonie: quelle que soit la nature de l'appel passé, la vitesse de transmission de l'information (la voix) est la même.
Dès les années 2000, il devient techniquement possible de différencier les vitesses d'accès aux sites web. Conséquence: la neutralité des accès se voit régulièrement mise à mal et remise en question.
C'est surtout l'avènement des smartphones et des services de streaming (YouTube, Netflix) qui va accélérer le mouvement et accroître les tensions.
Cela pousse nombre d'opérateurs à proposer des abonnements plus chers pour des accès plus rapides à certaines catégories de sites. En gros, plus l'internaute paie, plus son accès au Net est rapide. Moins il paye, plus il est sujets aux choix arbitraires de son opérateur.
Mais les autorités veillent au grain. Les efforts des administrations Bush et Obama ont en effet résulté sur l'adoption par la FCC américaine (Federal Communications Commission) d'un décret garantissant le statut de bien public pour Internet et par conséquent la garantie du maintien de la neutralité du Net.
Cheval de bataille du président Obama, la neutralité du Net se voit mise à mal en 2017 par son successeur. Le décret susmentionné a été levé en décembre dernier, ouvrant la boîte de Pandore de l'Internet à deux vitesses...
Et la Suisse dans tout ça? Rester neutre, on a l'habitude... mais on sait qu'en matière de nouvelles technologies, le modèle américain est généralement suivi sans trop sourciller.
Nous faudra-t-il aussi bientôt payer plus pour streamer à volonté?
Pas sûr, car l'Office fédéral des communications (OFCOM) veille au grain. De plus, les opérateurs helvétiques s'engagent à respecter un code de conduite en la matière, garantissant la fameuse neutralité du Net.
Pourtant, "certains services qui communiquent directement avec des serveurs aux Etats-Unis seront probablement impactés", selon François Flückiger, ingénieur et membre honoraire du CERN interviewé par la RTS récemment. Car Internet n'a pas de frontières. Or, de nombreux services à la mode (réseaux sociaux, streaming, messagerie gratuite) sont largement basés aux USA. Donc, le battement d'aile du papillon américain aura bel et bien des conséquences mesurables sur l'internaute de Fully, Vully, Cully et Pully...
Et ensuite?
Sous une bannière des temps modernes (un hashtag, donc), les défenseurs s'unissent pour préserver cet acquis important qu'est la neutralité du Net.
Un acquis au cœur d'une guerre commerciale sans merci entre d'un côté les O'Timmins (Google, Facebook, Microsoft) et de l'autre côté les O'Hara (AT&T, Comcast, Verizon). Les O'Timmins sont contre la discrimination des sites Internet et/ou des apps; les O'Hara y voient une source de revenus supplémentaires nécessaire au développement des réseaux de communications. La bataille ne fait que commencer.
A suivre...
En savoir plus
- articles Wikipédia (en anglais; en français)
- hashtag #NetNeutrality sur Twitter